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LE FRANÇAIS

modérer le balancement, longtemps après que l’homme est parti, vacille lentement de façon à peine perceptible mais à croire, pour les plus distraits, qu’elle ne s’arrêtera jamais.

Jean-Baptiste Morel et sa fille ont prié ardemment, lui pour le père et pour l’épouse et pour le pauvre soldat mort à la guerre, elle pour la mère également et pour le frère héroïque. Marguerite a aussi demandé à Dieu de ne pas penser seulement aux morts mais aussi à ceux qui luttent, et elle a prié Dieu de l’éclairer dans le choix de celui qui devra aider le père à garder la terre.

Les prières, finies dans le temple, se sont continuées, un instant après, dans le cimetière dont l’enclos sacré touche à l’église. Chaque tombe a été foulée par les genoux de ceux qui ont prié encore. Les petites croix de bois noirci qui marquent chaque tertre ont reçu des couronnes d’immortelles aux fleurettes blanches et veloutées qui brillent comme des ronds de craie sur le noir de fumée dont on a badigeonné le bois blanc des croix. L’herbe, plus grasse dans le champ du repos, est battue maintenant comme si le souffle automnal eut voulu y imprimer plus énergiquement qu’ailleurs son aude cachet. Les vivants ont passé par là, et la mort, même celle des herbes, se montre avec plus de brutalité.

Enfin, les paroissiens de Ville-Marie se sont retrouvés, après la visite au cimetière, sur le perron de l’église. Tout a disparu de l’aspect lugubre des visages assombris, un moment, par les prières pour les