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LE FRANÇAIS

les étables chaudes d’où ils ne sortiront plus qu’au printemps, aux premiers herbages. Cependant, certaines journées ensoleillées, sur le coup du midi, l’on voit des vaches que l’on a sorties, courir à l’entour des bâtiments, des taches d’herbe maigre qu’elles éclaboussent de boue en marchant dans des flaques d’eau qui les entourent. De temps en temps, ces bêtes s’arrêtent, secouent leur fanon baveux, fixent les étables de leurs gros yeux humides, tendent le cou et meuglent avec une inquiète voix rauque. La volaille passe encore la pleine journée dehors. Les poules mettent un mouvement coloré sur le sol jauni de fumier, devant les étables et les granges où elles grattent, remuent et caquettent sans cesse. On voit, à certains moments, leur cou se lever comme un ressort qui se détend, et les poules gloussent avec inquiétude pendant que les coqs lancent des cris rauques en dressant leur crête sanguignolente ; tout le fumier s’agite et retentit de piaillements. On crie, on piaule, on appelle. Quel événement extraordinaire vient de se passer dans ce tranquille coin de ferme ? C’est un triangle de bruyantes outardes, des bernaches qui cinglent vers le sud et qui ont rasé de très près les toits des bâtiments… Elles viennent des solitudes humides de l’Ungava ou des rives herbues des rivières du Lac Saint-Jean, et s’en vont avec sûreté se confier aux plantureuses lagunes de la Floride… Elles ont monté plus haut dans l’air pour traverser le lac et lancent en signes d’adieu des cris comme une sonnerie de trompette… De grosses poules grises, le ventre traînant bas, se sont ris-