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LE FRANÇAIS

son indignation, il se reprit, sans transition, à parler de Jacques, sujet plus gai pour lui en ce moment. Il expliqua de nouveau au père de Marguerite combien Jacques était changé depuis quelque temps : « C’est plus l’même, j’t’assure, c’est plus l’même » répétait-il…

Jean-Baptiste Morel leva soudain la tête et regarda le soleil qui baissait ; ses rayons frappant les quelques arbres isolés dans les champs et les piquets de clôture, bariolaient les chaumes blonds de mille rayures sombres.

« Tiens, il est tard déjà », fit-il, « mon bois doit être scié, asteur, au moulin. On va descendre, hein ? »

Les deux hommes reprirent le chemin aux charrettes caillouteux qu’ils avaient monté et qui les menait vers la grand’route. Mais, marchant et fumant, André Duval, décidément en verve, piquant sans cesse de la langue comme un pique-bois sur l’écorce d’un bouleau, continua l’expression de ce qu’il pensait sur les troublants problèmes que tous deux venaient de soulever. Mais pour le moment, abordant un sujet qui lui plaisait davantage, il dit le bonheur qu’il ressentirait de voir Jacques épouser Marguerite :

« Quelle bonne femme d’habitant elle ferait, Marguerite, hein ? »

Jean-Baptiste Morel approuva avec conviction.

« Sans ce mariage-là, tu sais, Jean-Baptiste », continua André, « je serai jamais tranquille. M’est avis que sans ça, Jacques aura toujours son idée d’derrière la tête… Non, mais cette envie des villes, quand ça prend nos garçons, ça les lâche plus ; c’est-il possible !