Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LE FRANÇAIS

prés qui s’étaient soudainement couverts d’une nouvelle verdure sous de bonnes pluies chaudes récemment tombées, tout cela avait une force persuasive qui entrait en lui, librement. Le paysage, fraîchement verni que présentait sa terre en cette belle journée, l’excitait. Il éprouvait vivement la plénitude de vivre et il sentait monter en lui un amour passionné pour sa terre. Il se savait solide encore, loin du seuil de la vieillesse et il était particulièrement heureux, en ce moment, de pouvoir chasser de son esprit ces prévisions chagrines qui trop longtemps l’avaient assailli à cause de Jacques. La moisson était sauvée et il y avait maintenant de l’or plein les granges, plein les étables, plein les caves. Les blés avaient été rentrés mûrs à point ; il savait qu’ils étaient bons pour le pain futur, pour la force et l’activité de la race. Maintenant, son domaine embaumait la nouvelle verdure d’un simulacre de renouveau, après les inquiétudes de la sécheresse ; et tout cela le rend plus ingambe, plus fort que jamais.

Les deux hommes, vis-à-vis d’un vaste chaume, se sont arrêtés et accotés à une clôture de pieux de cèdre qui longe le chaume d’un pacage où paît le troupeau des laitières de Duval. De là, ils embrassent du regard une grande partie du domaine. À l’est, ils voient, au loin, au bord du chemin du roi, la maison et ses dépendances ombragées de peupliers et, à l’ouest, ils distinguent la dentelle des futaies du trécarré qui se profile sur l’azur imbibé en ce moment d’une clarté dorée. Le tableau est plein d’une infinie variété de lignes et de