Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
LE FRANÇAIS

une partie de l’étang, ce cajeu avait servi aux colons qui le chargeaient de foin bleu qu’ils venaient faucher dans la coulée et qu’ils transportaient à Ville-Marie. Aujourd’hui la vieille embarcation n’était plus bonne qu’aux pique-niqueurs. Elle ne pouvait contenir que quatre ou cinq personnes. Aussi, fallait-il, pour contenter tout le monde, faire maints voyages. Les rameurs ne manquaient pas car tant plus on ramait tant plus on avait de chances de rester sur l’eau. Les émotions étaient multiples. L’embarquement et le débarquement des promeneurs, posant des pieds imprudents sur le rebord du chaland ballotant dans tous les sens, ne se faisait pas sans danger, d’autant plus que l’on atterrissait sur un talus de mousse fraîche, humide, allant en pente plutôt abrupte et glissant à cause de l’eau qui le léchait en-dessous.

Le pique-nique faillit, hélas ! se terminer en catastrophe. Au moment où pour le deuxième tour de promenade, l’on était à faire l’échange des promeneurs sur le cajeu branlant, voulant aller prendre sa place dans l’embarcation, Marguerite avait imprudemment sauté au bord du talus ; elle perdit l’équilibre et, après un chancellement qui ne dura pas une seconde, roula dans l’eau assez profonde à cet endroit. Un cri de terreur retentit parmi toute la jeunesse. Mais ce ne fut pas long ; Jacques Duval se tenait à ce moment à la proue du cajeu pour recevoir dans ses bras les jeunes filles qui y montaient. Avec la rapidité d’un lièvre, il se précipita à la suite de Marguerite qui allait enfoncer sous le chaland, la saisit de toute la vigueur de