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LE FRANÇAIS

lage des bouleaux et des pins, se taisaient encore que quelques instants auparavant, à l’heure du midi, heure du bain pour elles, des bandes confuses de bestioles, remplissaient la bordure de l’étang, de pépiements, de bruits d’ailes et de cris d’amour… L’air pur laissait percevoir la moindre vibration du chant et y ajoutait ce velouté indéfinissable que donne une distance consonante en même temps qu’elle permet les caprices de l’écho. En effet, la dernière note du chant de Jacques Duval monta d’abord vers le ciel, puis, retombant tout à coup, elle alla frapper à toutes les saillies des blocs de basalte des versants de la colline ; elle s’éparpilla en mille ondulations dans l’espace ; durant une minute, l’écho se promena, ici et là, au fond de la combe, roula de versant en versant, effleura l’eau du lac, remonta encore, s’affaiblissant toujours, s’arrêtant tout à coup, accentuant le silence…

Le soleil commence à présent à basculer d’un côté de la coulée, après avoir dardé pendant le dîner, juste au-dessus des tables. La gaîté bruyante du matin reprend pied parmi la bande. L’on accueillit avec des cris de joie la proposition que venait de faire Jacques Duval, et toute la jeunesse se leva avec des sauts de génisses dans des herbages frais. En quelques enjambées l’on parvint au vieux chaland attaché à son bouleau. Deux rames, noircies par l’eau et par le temps et dont l’une était écourtée d’un quart, pendaient à ses flancs, retenues par des talets rougis de rouille. Ce cajeu, pendant longtemps, avant que ne fut construite la route de Fabre dont l’un des lacets contourne