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LE FRANÇAIS

gauche, de sa simplicité de mise parmi ce petit monde léger d’où elle le savait étranger, elle s’attachait à démêler en lui des qualités morales qu’elle avait déjà observées : son jugement, sa franchise, le sérieux de son caractère. Avec son air doux, ses yeux graves et songeurs, son profil maigre aux méplats accentués, l’émigré, en son attitude, tel qu’il lui apparaissait tantôt, s’était davantage insinué dans son cœur.

Jacques Duval n’avait soufflé mot durant les tirades du Français. Après, il s’était contenté de siffloter un air qui lui revenait tout à coup. Enfin, pour vaincre cette espèce de contrainte qui avait suivi les paroles du Français, il avait proposé des promenades en chaland. Mais avant, il s’invita lui-même, pour se mettre au diapason des sentiments éveillés par le discours du Français, à chanter le « Credo du Paysan ». Sa voix, grave, douce et sonore à la fois, s’étendit aussitôt dans toute la coulée, montant les pentes et débordant les taillis qui les couronnaient, pour retomber ensuite en notes magnifiques :


L’immensité, les cieux, les monts, la plaine,
L’astre du jour qui répand sa chaleur,
Les sapins verts dont la montagne est pleine,
Sont ton ouvrage, ô divin Créateur !
Humble mortel, devant l’œuvre sublime,
À l’horizon, quand le soleil descend,
Ma faible voix s’élève de l’abîme
Monte vers toi, vers toi, Dieu Tout-Puissant !


À cet instant du jour, l’air était calme par toute la combe ; les oiseaux faisaient la sieste dans le feuil-