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LE FRANÇAIS

Quel plaisir ! quel plaisir !
De courir,
D’voir du monde
À la ronde
C’est charmant ! c’est charmant !
Un voyage d’agrément.


La chanson comptait cinq couplets. L’on applaudit si fort que des grappes de fauvettes apeurées dégringolèrent des arbres en tourbillonnant devers Fabre.

Léon Lambert, qui n’avait pas encore desserré les dents, enhardi par la familiarité enveloppante régnant autour des tables, risqua à propos de la chanson, ne trouvant pas d’autre chose à dire :

« On dirait que vous aimez ça, les voyages, Monsieur Jacques ?… »

— Tiens, cette question ? riposta Jacques. « Aimeriez-vous mieux, vous, moisir, dans des trous comme chez nous plutôt que de voyager et de voir des villes et du monde ?… Ah ! oui, j’y pense… vous auriez des raisons, vous, j’suppose, pour aimer mieux moisir par ici… »

L’allusion était claire et provocante ; l’émigré se sentit piqué au vif et Marguerite eut un geste d’effroi. Mais sous ce coup de sabot, la glace était rompue pour le Français, et il était trop tard pour arrêter la débâcle…

Le repas tirait à sa fin. Les convives, comme alourdis par les mets engloutis en hâte, pesamment assis sur les bancs rustiques faits de madriers posés sur des bûches d’épinette, ne faisaient plus que grignoter du bout des dents quelques friandises. Toute l’atten-