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LE FRANÇAIS

bruit assourdissant ; des souffles de pluie remplirent l’air.

Dans les maisons, les femmes se signaient à chaque éclair et allumaient des chandelles bénies le Vendredi Saint et qu’elles plaçaient à toutes les fenêtres. Les hommes, en parlant, baissaient la voix. L’on entendit ensuite de grosses gouttes de pluie s’écraser sur les toits et dans les vitres des fenêtres. Le tonnerre, un instant, se tut, et la chevauchée des nuages noirs pleins d’eau s’arrêta au-dessus du village, du lac et de la forêt en cendres. L’eau tomba à torrents pressés et précipités sur les flots bouillonnants, sur les toits retentissants de bardeaux de cèdre et sur la cendre chaude. Elle tomba longtemps, affermissant la terre neuve qui avait fait place à la forêt déjà ancienne débarrassée pour toujours de son fardeau de bois ; humectant les champs assoiffés par plusieurs semaines de sécheresse ; complétant l’œuvre des faiseurs de terre neuve, enfin, protégeant la forêt proche des dangers d’un autre feu pendant la nuit sournoise. Durant près d’une heure, en cataractes rafraîchissantes, tomba la pluie bienfaisante appuyée de vibrants coups de tonnerre.

Quand après l’orage, chacun reprit la route de la maison, l’on ne vit pas, du côté du bois, de lueurs sournoises, et si l’on prêtait l’oreille l’on entendait distinctement dans l’air libre et lavé le bruit sourd des dernières gouttes de pluie sonner sur la poudre des bois brûlés.