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LE FRANÇAIS

Des chardonnerets jaunes et des sizerains à demi suffoqués tombaient tout à coup par grappes, eut-on dit, mais étourdis un instant, ils reprenaient bientôt leur vol et filaient du côté du lac.

Le bruit des flammes devenait effroyable à mesure qu’elles approchaient. C’était à la fois un feu de cimes et de base qui détruisait tout. Il s’attaquait à la mousse, happait goulûment les brindilles sèches, les feuilles mortes, les touffes d’herbes, fouillait l’humus, brûlait la racine des arbres, puis les flammes se mettaient à grimper le long des troncs, léchant les écorces, et, un instant après, crépitaient avec sonorité dans les frondaisons. Au-dessus des cimes, elles prenaient au travers de la fumée, les formes et les tons fantastiques d’une manifestation pyrotechnique : feu de bengale des têtes de bouleaux verts, fusées retentissantes des cimes sèches et résineuses des mélèzes, fontaine d’étincelles des épinettes, gerbes d’or des sapins, caprices chinois des « cocottes » des pins qui ainsi que des pétards, détonnaient avec un bruit sec et fusaient de tout côté. L’on voyait, des fois, un long fût de bouleau, débarrassé de ses branches et de ses feuilles, brûler lentement par la cime ainsi qu’un gros cierge pascal, trouant le rideau de fumée d’une lueur sinistre. Parfois, un gros arbre dont le feu rongeait sournoisement les racines, s’inclinait lentement pour s’abattre avec fracas sur d’autres, formant de monstrueux amoncellements de troncs et de branches qui se mettaient à flamber comme des foyers d’enfer et dont le grondement jetait la terreur au loin…