Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
LE FRANÇAIS

culant les causeurs. L’un d’eux boite ; il a une jambe plus courte que l’autre ; et l’on remarque qu’il court plus vite que ses petits camarades. Tous lancent des cris assourdissants quand ils ont trouvé celui qui était caché. Près des bastingages, des femmes sont assises par groupes de trois ou quatre. Quelques-unes mangent des oranges dont le parfum rafraîchissant se répand sur tout le pont. Elles les ont soigneusement pelées, jetant morceau par morceau, la pelure dans l’eau ; de petites taches jaunes ont flotté un instant à la surface, puis ont disparu dans le bouillonnement de l’hélice, à l’arrière. À l’entour des femmes, s’étalent des paniers d’« éclisses », d’énormes sacs à mains, des colis éventrés qui laissent voir des choses disparates parmi des lambeaux de journaux illustrés : des fruits, des sandwiches, de menus jouets au peinturlurage multicolore apportés de la ville, et qui feront si grand plaisir aux petits restés à la maison ; des indiennes que l’on a déficelées et déployées pour en faire voir le « patron » nouveau et la modicité extraordinaire du prix ; des cotonnades aux tons criards achetées dans des ventes au rabais de lingeries ; des « coupons » de serge et de « stuff » à robe d’un prix ridiculement bas, tout laine, et pour faire de belles robes aux filles. Quelques femmes revenaient d’un pèlerinage à Ste-Anne-de-Beaupré et on les pressait de questions sur les merveilles qu’elles avaient vues. Elles montraient avec ostentation des souvenirs achetés là-bas et qui, au fond des « satchells », disparaissaient dans un fouillis de papier à journal : un chapelet « indulgencié », de minuscu-