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LE FRANÇAIS

faire ma vie ailleurs. J’ai mangé le pain de la misère plus souvent qu’à mon tour depuis que j’ai quitté mon pays ; mais je ne me plains pas. Un hasard heureux a voulu que je sois adopté par un riche cultivateur du pays de Québec et qu’une belle et bonne jeune fille se trouvât sur mon chemin. Cette jeune fille, je ne le cache pas, je l’ai aimée de toute mon âme dès que ma convalescence finie, j’ai pu apprécier sa bonté, sa douceur, son jugement sûr, son amour si profond pour la terre que je me pris à aimer, moi aussi, autant qu’elle et que son père. Elle eut été fille de ferme, servante, que je l’eus estimée quand même… Mademoiselle Marguerite, cette jeune fille, c’est vous, vous le savez… Mais dites-moi, si vous et votre père croyez qu’à cet amour se mêle de l’intérêt, je suis prêt à m’en aller, à ne plus jamais vous revoir, mais je ne pourrais vous promettre de vous oublier…

Pendant quelques secondes, les yeux des deux jeunes gens se fouillèrent jusqu’au fond de l’âme. Puis une joie subite fit rougir le front de la jeune fermière. La douceur reconnaissante qui était dans ses yeux lui donnait en ce moment, une grâce charmante, nouvelle. Elle détourna, un instant, ses regards de ceux du jeune homme et, secouant sa jolie tête, murmura :

« Non, je ne veux pas, Monsieur Léon, que vous partiez… C’est mon père qu’il faut maintenant complètement gagner à notre cause. Je vous aiderai.

— Alors quoi, vous m’aimeriez, Marguerite ?… Oh ! comme je me sens heureux. Comment pourrai-je