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LE FRANÇAIS

était près de sa mort émouvante en cette pleine et grasse saison, et les champs maintenant s’imprégnaient de fraîcheur.

Marguerite Morel s’assied tout à coup d’un mouvement brusque sur le rebord d’un carré, et regardant résolument l’engagé :

« Léon ? » demanda-t-elle, comme voulant se décharger d’un grand poids, qui depuis longtemps pesait sur sa poitrine… « vous n’aimez pas seulement en moi, je suppose, la fille d’un cultivateur à l’aise ?… »

Léon Lambert fit un geste énergique de protestation.

« Mademoiselle Marguerite, comment pouvez-vous me faire une pareille question ?… »

— Ne vous fâchez pas. Monsieur Léon, en vous faisant cette question, j’ai un motif que n’ont pas les autres. Il y a tant d’intérêt, aujourd’hui, dans les mariages, même en nos paroisses où l’on ne vise que les bonnes terres…

— Je vois bien que vous ne me connaissez pas encore, soupira le Français. « Je suis pour vous comme pour les autres un étranger, plus que cela, un enfant trouvé ; oui, ma personnalité est peu intéressante, je l’avoue. Mais l’on n’a pas le droit pour cela de douter de mon honnêteté et de ma droiture. Je suis le fils de paysan et j’aime la terre. Malheureusement, mon père, là-bas, dans nos Cévennes, était pauvre et ne possédait qu’un misérable lopin. Encore que mon travail lui fut utile, au retour de la guerre, je me trouvais à charge dans la famille et je dus partir pour