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LE FRANÇAIS

la moisson. Cependant le soleil, dans son ascension lente et continue, domine encore au ciel en souverain. Sur le haut du jour, il envoie à la terre d’ardents rayons qui achèvent de dorer les grains et roussissent les feuilles des légumes mûris. À la bordure des champs, les plates-bandes que formaient au long des clôtures les remblais des fossés, étaient lourdes d’une couche épaisse d’herbes et de plantes déjà fatiguées. Les feuilles énormes de la bardane ployaient sous leur ampleur et ses petites fleurs violacées, séchées, avaient des crochets redoutables ; l’herbe à dinde, par touffes épaisses, faisait en toute liberté dominer sa teinte rosée même par dessus les nappes verdâtres de l’armoise dont certaines tiges, rouges de sécheresse, dépassaient la hauteur des clôtures, cependant que les groupes de vierges folles des marguerites blanches farandolaient encore partout à la brise. Quelques fleurs de liserons et de réveille-matin commençaient à s’effeuiller. Les cordons solides du plantain jaunissaient en rampant au ras du sol et des tiges de brunelle penchaient tristement la tête. Dans les prés l’herbe commençait à perdre l’éclat sombre de sa verdure. Tout le long du jour, par grandes troupes bruyantes, les moineaux se rassemblaient dans les champs pour préparer les festins parmi les quintaux de gerbes, ronds ou pointus, dressés dans le chaume ainsi que de minuscules manoirs. Il y avait par tous les champs comme un grésillement dans l’air, un pétillement de choses invisibles. Les épis bruisaient et, dans le potager, l’on