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LE FRANÇAIS


V


Depuis que Léon Lambert était chez Jean-Baptiste Morel, Marguerite et lui n’avaient jamais échangé le moindre aveu d’amour. Tous deux, presque aussi muets que la glèbe, soit au travail, soit à la maison, vivaient en camarades, mais silencieux. Tout au plus se courtisaient-ils par de furtives prévenances, des taquineries, des jeux d’écoliers. Cependant, leur silence voulait dire plus que tout le reste.

Quelques jours après l’aveu au père, Marguerite travaillait dans le potager. Léon passa près de là et s’arrêta. Marguerite arrachait des oignons. Il regarda la jeune fille à son travail. Après que le légume était sorti de terre, elle le secouait d’un petit coup sec sur ses genoux, puis elle l’étendait sur le sol où il y en avait déjà une longue rangée qui séchait au soleil. Il y en avait dont les tiges dépassaient de près d’un demi pied les autres. C’était des oignons rouges à l’odeur forte et dont les queues avaient la grosseur d’un doigt de femme. Quand ils étaient séchés, Marguerite les attachait par bottes de douze avec un bout de ficelle.

L’on était déjà au déclin de l’été et on sentait, surtout le soir, que bientôt allaient percer les premières froidures de l’automne. Les produits de la terre étaient en pleine maturité et l’on avait même commencé