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LE FRANÇAIS

temps éloignés. Ne devrions-nous pas remplacer chacun des nôtres que nous perdons grâce à cet affreux mal des villes américaines par un frère de France ? Ce serait le seul remède à appliquer contre l’engouement des villes qui ronge nos campagnes, celui dont est si profondément atteint Jacques Duval. Dans cette voie, pour un de perdu, l’on peut en retrouver deux… Que ces deux-là se recrutent parmi la population saine du pays ancestral ! Ils sauront nous aider, tout naturellement, à aviver notre survivance qui s’affaiblit trop sensiblement au contact de la race conquérante… »

L’élève des religieuses des Sœurs Grises de la Croix s’exalta, s’éleva sans le savoir aux plus hautes conceptions du patriotisme. Son amour pour le jeune Français lui donnait des ailes. À la fin, elle voulut résumer la question générale qu’elle posa, victorieuse, devant son père, mettant ainsi clairement en regard la position des deux jeunes gens :

« Père », demanda-t-elle, « quel est celui que vous devez aimer le mieux : Jacques Duval qui, Canadien du pays de Québec comme vous, veut déserter la terre pour s’en aller vivre de la vie anglaise ou américaine dans les villes, ou Léon Lambert, Français de France qui, venu ici, ignoré du pays des ancêtres, consent à vivre notre vie commune, aidant de cette façon à conserver ce qu’elle est notre petite patrie, en cultivant la terre, en vivant la vie que nous ont faite nos ancêtres qui sont les siens ?… dites, père, quel est le plus digne de garder, de défendre l’âme de la Maison ?… »

Jean-Baptiste Morel était depuis longtemps com-