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Tous ces honnêtes gens, vivant, eux et leurs proches,
Les crocs dans notre chair et les mains dans nos poches :
Usuriers, calotins, soudards, ruffians, — malheur ! —
Pris la main dans le sac crièrent au voleur !…
Le drapeau rouge en main, dignes fils de nos pères,
Nous devions écraser tout ce nid de vipères
Le soir du Dix-huit Mars. — Nous ne l’avons pas fait !
Nous n’avons jamais su haïr ! — Mais quel forfait
Que d’épargner le loup, la panthère ou la hyène !
Ô Nouméa, poteaux de Satory, Cayenne,
Pardonnez aux cléments !…

Pardonnez aux cléments !Puis l’éclair sillonna
Les cieux noirs, le rempart cracha, le fort tonna ;
Paris fut replongé dans les horreurs du siège
Et, lion mutilé, repris au même piège.
La semaine de sang, comment puis-je en parler ?
Quand j’y pense, je vois comme un fleuve couler
Rouge… oui, rouge et fumant !… C’est le sang de nos veines,
C’est le sang généreux de ces masses humaines :
Femmes, vieillards, qu’ils ont éventrés, ces bourreaux !
Morts et blessés qu’ils ont piétinés, ces héros !
L’égorgement de Juin n’était qu’enfantillage ;
Le massacre en progrès change son outillage ;
O ne suffirait pas à tuer ce qu’on prend :
Avec la mitrailleuse on fait l’ouvrage en grand ;
On transforme nos parcs en abattoirs, nos squares
En cimetières, puis, les bottes dans des mares
De sang, les officiers sont réunis en cours
Martiales, — on veut que justice ait son cours. —
Par fournées, entre absinthe et cognac, — un chef-d’œuvre ! —
La graine d’épinards commande la manœuvre :
Arrêts à tir rapide, où, du képi coiffé,
Le magistrat fournit au moulin à café.
Oui, voilà tes hauts faits, Bourgeoisie, et ta gloire.
Voilà pour ton musée un fier tableau d’histoire.