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294 DE LA NOBLESSE

prendre place au niveau superieurde l’fitat. Les jalousies un peu puériles de la bourgeoisie n’ont pas empSche la noblesse de conserver les avantages que donnent la notoriete des families et la longue possession des situations. Dans toute socteW qui vit et qui grandit, il y a un mouvement interieur d’ascension et de conqudte ; dans toute societe qui dure, une certaine hierarchic des conditions et des rangs s’etablit et se perpetue.

» La justice, le bon sens, FinterGt public, I’interfit personnel bien entendu, veulent que de part et d ’autre on accepte ces faits naturels de l’ordre social. » Nosrois, et surtout Louis XIV, favoris&rent constamment ce mouvement progressif d’ascension de la bourgeoisie k la noblesse, et l’on peut en croire un autre historien dontles sympathies en faveur des classes interieuresnesont pas suspectes. « C’etait de la classe piebeienne,, dit Augustin Thierry (Histoire du Tiers-Etat), que « sortaient le chancelier, les secretaires du Roi, les maltres des requfttes, les avocats et les procureurs du roi, tout le corps judiciaire, compose du grand conseil,

  • du parlement de Paris avec ses sept chambres, de la chambre des comptos, de la

« cour des aides, des huit parlements de province sous Henri IV, et des tribunaux « inférieurs, en téte desquels fig.raient les presidiaux. Pareillement, dans Tadmtnistration des finances, les fonctionnaires de tout rang etaient pris parmi les « bourgeois lettres. Partout, mfime k la cour, le Roi fit prévaloir les fonctions sur la « naissance. Les marechaux, nobles ou non, passaientavant les dues ; les ministres « nés dans la bourgeoisie n’avaient au dessus d’eux quo les princes du sang. » Une grande partie de ces charges procuraient la noblesse, soit au premier degr6, soit graduelle, e’est-a-dire & la troisifcme generation. Comprenne qui pourra cette contradiction !

Les Rois n’ont cesse d’eiever la bourgeoisie et d’abaisser la noblesse ; 

la bourgeoisie les a renvers£s, la noblesso s’est fait tuer pour les défendre. L’ancien regime n’a pas favorise la noblesse au detriment des autres classes, il a inscrit dans son Livre cTOr toutes les gloires de la Prance ; si le pouvoir actuel veut imiler cet exemple et conserver la mémoire de tous les services rendus, qu’il se hftte de mettre a execution les mesures qu’il a lui-méme provoquees. Aujourd’hui la chose est encore pratiquable ; elle ne le serait plus dans uno couple de generations, puisqu’il n’y a plus de possession d’etat k invoquer, et que Thabitude des deplacements, les facilites des chemins de fer pour se depayser, le morcellement et l’ali&iation desproprietes et les bouleversements contemporains sontdes causes reunies dont Tune suffirait seule pour frapper radicalement toutes les traditions locales. Que conclure de ce qui précfede, sinon comme I’etablit la Patrie « que la noblesse peutetre une distinction sans 6tre un privilege. » Mais réduite k une distinction, elle a encore une certaine valeur m£me dans le sens de nos institutions ; il devient done utile de la reglementer et de la regir par une legislation appropriée & son temperament actuel. Independamment des catalogues officiels de noms et d’armes que nous avons indiques, une autre mesure k prendre pour sauver de l’oubli les families qui n’ont plus que Thistoire pour elles, e’est de faire appel k rhistoire, c’estct-dire de conserver, par des genealogies authentiques, le souvenir des races qui se sont devouees plus particulierement au service de i’Etat, afln de provoquer des dévouements semblables.