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ET DES USURPATIONS NOBIiJAIR.ES < 281

Les titres ne sont done plus qu’une parodie d’une grande institution, et il faut les proscrire d’une manifere absolue, ou leur rendre la valeur qu’ils peuvent encore conserver dans nos moBurs actuelles par une legislation nouvelle, compatible avec nos institutions.

« La noblesse represente quelque chose d’eminemment respectable. Bile represente la tradition, rimportancehereditaire ou la supériorite personnelle 1 . » En présence de cette declaration d’un des journaux les plus d£vou£s au gouvernement, nousne saurions admettre que le but de celui-ci fiit d’exalter la noblesse nouvelle aux depens de Tancienne ; mais s’il en etait ainsi, Tabstention des grands noms de la vieille France qui pourraient décliner la nouvelle juridiction, frapperait la loi de ridicule et d’impuissance.

Les honneurs de la cour, les preuves pour les chapitres nobles et pour le service militaire etant abolis, l’anciennete de la race ne sert plus materiellement k rien, et rien ne Tindique au public. Les privileges supprimes, il ne reste done d’apparent dans la quality de noblesse que les titres honoriflques et la particule de qui ne devrait jamais pr£c£der qu’un nom de terre, mais dont Tusage a fait bien improprement, pour le vulgaire, une sorte de titre nobiliaire de convention. Ce fut, comme Ton sait, dans la nuit du 4 aofit 1789 que quelques demagogues de la noblesse, fatigues d’une longue discussion sur les droits de Thomme et briilant de signaler leur zfele pour la cause nouvelle qu’ils venaient d’epouser, se lev&rent k la fois en demandant k grands cris les derniers soupirs du regime f£odal. « Ce mot eiectrisa FAssembiee, dit Rivarol dans ses Mimoires : le feu avait pris k toutes les tfites. Les cadets de bonne maison qui n’ont rien, furent ravis d’immoler leurs trop heureux aln£s sur l’autel de la Patrie ; quelques cures de campagne ne goiitferent pas avec moins de volupte le plaisir de renoncer aux 6&néfic*s des autres. Mais ce que la posterity aura peine k croire, e’est que le mftme enthousiasme gagna toute la noblesse ; le zfele prit la marche du dépit : on fit sacrifices sur sacrifices. Et, comme le point d’honneur chez les Japonais est de s’6gorger en presence les uns des autres, les deputes de la noblesse frappfcrent k Tenvi sur eux-mfimes et du mftme coup sur leurs commettants. Le peuple qui assistait a ce noble combat augmentait par ses cris Tivresse de ses nouveaux allies ; et les deputes des Communes, voyant que cette nuit memorable ne leur offrait que du profit sans honneur, consolferent leur amour-propre en admirant ce que peut la noblesse entee sur le Tiers-Etat. lis ont nomme cette nuit la nuit des dupes ; les nobles Pont nominee la nuit des sacrifices. »

La suppression des droits feodaux fut suivie du décret du 27 septembre 1791, portant que : « Tout citoyen qui, dans tous actes quelconques, prendra quelques-unes des qualifications ou des titres supprimes, sera condamne k une amende 6gale ksix fois la valeur de sa contribution, raye du tableau civique et declare incapable d’occuper aucun emploi civil et militaire. » Cela n’a pas empfiche les horames qui avaient provoque, vote et préconise cette mesure egalitaire, de se blasonner quinze ans plus

Patrie, du t^ ayril 1857.