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DE LA NOBLESSE ET DES USURPATIONS NOBILIAIRES 275

rien au monde ne peut faire qu’il y ait noblesse, quand il n’y en pas, ou qu’il n’y en ait pas, quand il y en a*. » Quant aux appreciations qui ont ete portees sur la noblesse, elles sont fort diverses ; mais le plus souvent, on s’estetudi6& la representor aux yeux des masses, gnicei quelques exemptions flscales, corame un ordre de vampires, se nourrissant des sueurs du peuple taillable etcorvtaMedmerci.Ge texten’aete encore retrouve dans aucune coutume, non plus que le droit du setgneur, et Ton n’a pu produire davantage un acte terming par la fameuse formule : a diclart ne savoir signer en sa qualiti de gentilhomme. Mais qu’importe, cela n’empfiche pas d’imprimer des phrases comme celle-ci, non pas dans les mauvais jours de la Revolution, mais aujourd’hui : « La noblesse feodale, pour masquer les vices de son origine, a parquS les hommes comme des troupeaux, en en faisant des serfs, et son histoire est le martyrologe des peuples*. > Que les inquietudes de M. Hamel se dissipent, la repression du port illegal d’un nom ou d’un titre ne fera pas un martyr de plus. Pour bien juger la feodalite, que personne ne songe k reconstituer, il fautla prendre dans sa force ; faire le calcul des immunites d’un gentilhomme d’une part, et de l’autre des charges qui lui etaient imposees en raison de ses revenus, et Ton demeurera convaincu de la verite de l’adage : Noblesse oblige. Quand on lit attentivement les anciennes constitutions de la noblesse, on voit que ses charges materiellessurpassaient de beaucoup ses avantages ou exemptions, et que c’etait un ordre de sacrifice. Le gentilhomme nepayait point la taille sur ses biens nobles et ne tirait point a la milice ; pourquoi ? parce qu’il etait oblige de marcher lorsque le Roi convoquait le ban et l’arrifcre-ban, et de se faire suivre k la guerre d’un certain nombre d’hommes leves et entretenus k ses frais, nombre base sur l’importance de son fief. D’ailleurs, il acquittait le fouage ou la taille et mfime les corvees sur ses biens roturiers 3 , la dime ecciesiastique et la capitation ou impdt par tête, correspondant à l’impôt personnel et mobilier d’aujourd’hui. Quant aux corvees oujournees de travail gratuit et force dues par les vassaux k leur seigneur, elles n’ont jamais ete arbitraires : leur nombre etait 6crit dans les coutumes, les usements particuliers et les actes d’infeodation , et elles sont en grande partie remplacees aujourd’hui par les prestations en nature pour l’entretien des routes, autrefois sous la garde des seigneurs. Ceuxci etaient tenus d’employer k leur reparation les deniers de leurs amendes, et, en cas d’insufflsance, l’entretien des chemins, autres que les chemins royaux, etait k la charge des proprietaires riverains, de quelque qualite qu’ils fussent 4 . En resultat, je crois que la position si enviée des anciens gentilshommes , avec ses privileges et ses charges , ne tenterait aujourd’hui aucun de leurs jaloux, et cela en ne mettant en ligne que les 6cus seulement, et abstraction faite des risquesque courait la vie des priviiegiés. Ces risques etaient tels, ’que la majeure partie de leurs families s’eteignait promptement dans le sang, quand elles ne succombaient pas k la misfere.

  • Granier de Cassagnac, Histoire des classes nobles et des classes anoblies.

1 Les principes de 89 et les Titres de Noblesse, par Hamel, 1858.

  • Coutumede Bretagne, art. 91.
  • Coutume de Bretagne, art. 49.