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ORIGINE ET FORMATION

par D. Morice, que cet usage se conserva dans les diocèses de Léon et de Cornouaille jusqu’à la fin du xie siècle. Ainsi une donation de 1069, faite à l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, a pour témoins :

Kadou mab (en breton, fils) David. Derian mab Tanguy,
Killœ mab Gusfred, Kadoret mab Huelin,
Saliou mab Gulchuen, Even mab Edern,
Guen mab Gualc’h, Iungomarc’h mab Gurgaraël[1].
Lancelin mab Budoëre,

Dans les autres diocèses, les nobles commencèrent dès le xie siècle à prendre des surnoms qu’ils tirèrent soit de leurs terres, soit de quelque sobriquet. À leur exemple, les individus des classes inférieures qui furent successivement affranchis ou qui conquirent une personnalité plus distincte, au lieu d’être uniquement désignés par leur nom de baptême et celui de leur père, prirent ou reçurent de nouveaux noms, car la plupart leur furent sans doute imposés. Quoi qu’il en soit, toutes ces variétés de noms sembleraient pouvoir se diviser en cinq classes distinctes :

1o Les noms de lieux, soit qu’ils proviennent de provinces, de villes, de paroisses, de chapelles, de seigneuries ou de simples domaines tenus et manœuvrés par des vassaux.

2o Les noms de baptême transmis héréditairement par les pères aux enfants.

3o Les noms de dignités ecclésiastiques ou féodales, fonctions, offices, professions ou métiers ; ceux indiquant la condition et les degrés de parents.

4o Les noms des bonnes ou mauvaises qualités physiques ou morales, auxquels on peut joindre les noms d’animaux, parce que la plupart n’ont été donnés qu’à cause de quelque similitude.

5o Enfin la foule des noms qui ne sont relatifs ni à la terre, ni aux fonctions ou à l’industrie, ni aux qualités ou défauts saillants, mais qu’on a empruntés aux plantes, aux fleurs ou aux fruits ; aux meubles, aux instruments, aux habits ; aux saisons, aux mois ou aux jours de la semaine ; aux éléments, aux astres, aux métaux. En un mot, l’on peut rejeter dans la même catégorie la plupart des sobriquets de tout genre.

De ces cinq variétés de noms, aucune ne peut être attribuée exclusivement aux familles nobles, car les simples tenanciers ont souvent adoptés le nom de leur tenue, les bâtards celui de leur paroisse, et les sobriquets même les plus grotesques étaient portés par les nobles dès le xiie siècle. On peut seulement présumer que les familles le plus anciennement illustrées n’ont jamais dû porter de nom de métiers, et que les familles qui portent ces derniers noms ont eu pour auteur un individu qui exerçait l’industrie rappelée par le nom patronymique.

La coutume des sobriquets s’est conserve dans la classe populaire, comme elle règne dans les écoles parmi les enfants, et l’on voit des jeunes gens qui finissent par s’en accommoder jusqu’à les joindre à leur vrai nom, même dans les actes publics. Les sobriquets sont donc souvent devenus des noms de famille ; cependant

  1. Cartulaire de Quimperlé, apud D. Morice, t. I, Preuves, col. 432.