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XIV
INTRODUCTION

réviser leur procès, rassemblèrent de nouveaux titres à l’appui de leurs prétentions et obtinrent des arrêts favorables. N’y eut-il encore aucun abus dans cette nouvelle manière de procéder ? On assure qu’il s’en glissa beaucoup, et que si les premiers juges s’étaient montrés trop sévères, les nouveaux ne le furent pas assez. En effet, les intendants, très étrangers à de telles vérifications, furent obligés de les confier à des subalternes de leur choix, d’autant moins incorruptibles que, s’il y avait appel contre les déboutements, il n’existait aucun contrôle pour les admissions.

Nous n’avons donc pas toujours enregistré avec une foi bien vive les jugements des intendants, et nous leur préférons de beaucoup les arrêts du parlement que plusieurs familles, d’abord interloquées ou condamnées, obtinrent postérieurement à la Réformation, après avoir recouvré leurs titres égarés ou dispersés lors de la production ou induction de 1668 et années suivantes.

Une ordonnance de l’intendant donnait droit aux exemptions fiscales ; mais pour entrer aux États, il fallait un arrêt au parlement.

L’admission aux États de Bretagne est donc une preuve irrécusable de noblesse ; l’article 2 des lettres de Louis XV, de 1736, pour régler la constitution des États, le fait voir clairement. Il est ainsi conçu :

« N’auront entrée et séance dans l’ordre de la noblesse, que ceux qui auront au moins cent ans de noblesse et de gouvernement noble non contestés, et dont l’aïeul et le père auront partagé, ou été en droit de partager noblement, à peine, contre les contrevenants, d’être exclus de l’assemblée et d’avoir leurs noms rayés sur les registres. »

Nous avons eu soin de mentionner, pour les familles maintenues depuis la dernière réformation, et pour celles qui, à cette époque, n’étaient point fixées en Bretagne, leur présence aux dernières tenues d’États ; nous avons aussi admis, comme présomptions plausibles, sinon comme preuves, les arrêtés, mémoires et protestations de la noblesse de Bretagne au Roi, en 1788, contre les édits portant atteinte aux droits, franchises, privilèges, libertés et immunités de la province. Nous ferons seulement observer que plusieurs des signataires de ces protestations avaient une noblesse d’une date trop récente, pour avoir encore entrée aux États, ou seulement la noblesse graduelle militaire ou de robe ; aussi leurs noms ne se trouvent pas tous, dans les procès-verbaux de ces assemblées.

Si les ordonnances des intendants laissent subsister des doutes sur l’extraction des familles, les arrêts du conseil d’État sont plus suspects encore. En effet, quand on avait le parlement, son juge naturel, sous la main, on ne devait recourir au conseil, moyen beaucoup plus dispendieux, que dans l’impossibilité de réussir au parlement. Le Roi, séant en son conseil, suppléait par sa toute-puissance au défaut de titres, et les arrêts rendus comportaient toujours l’anoblissement en tant que besoin. Aussi, quand on examine attentivement ces arrêts, on demeure convaincu que la plupart ne reposent sur aucune base solide, et que des généalogies évidemment fabuleuses y ont été acceptées.

Il nous reste à parler des terres titrées et à expliquer pourquoi, dans notre ouvrage, les titres sont si rares, tandis qu’on les prodigue avec une si grande facilité aujour-