ses paroles, voire à sa seule présence, une signification équivoque[1].
Beaucoup vont encore jusqu’à dépouiller l’inverti de toute humanité, je veux dire jusqu’à lui dénier la faculté de ressentir les émotions dont ils posent en principe que les normaux sont seuls capables. L’inverti leur paraît positivement un monstre, ou quelqu’un d’une autre espèce, organiquement sans rapport avec le commun des hommes ; et ce dont ces intransigeants s’étonnent le plus, c’est que, en dehors de sa déviation, il puisse faire preuve de rectitude morale.
Peut-être serait-il plus juste d’admettre qu’entre les invertis et nous il n’y a antinomie radicale que sur un point : la sexualité. Et quand je dis « plus juste », je n’entends pas seulement plus équitable, mais plus vrai,
- ↑ Le prestige a les mêmes stylisations que l’infamie. Nous
nous représentons un grand capitaine toujours environné de
tonnerres. Aussi, quand nous rencontrons Foch en jaquette,
sommes-nous un peu surpris. Pendant un quart de seconde,
l’intrusion de cette réalité bourgeoise dans notre entendement
déconcerte nos habitudes mentales.
De même, il est courant que le journaliste qui nous rapporte la conversation qu’il eut avec un Roi, commence par s’étonner de s’être trouvé en présence d’un homme, et « si simple ». Le portrait de Louis XIV par Rigaud continue de commander notre idée de la majesté royale.