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NOUVEAUX SAMEDIS.

rieure d’une tapisserie dont nous ne connaissions que les dehors ; mais chaque main, plus ou moins rude, hardie ou licencieuse, est venue salir encore cette trame en y ajoutant tout ce qu’elle trouvait dans le ruisseau des commérages d’antichambre et dans le bourbier des mémoires apocryphes. Louis XIY devait être particulièrement victime de ce système, sa majesté ne pouvant se soutenir sans un peu de cette convention permise à quiconque ne veut pas abaisser la nature humaine, et sa gloire étant de celles qu’il faut juger par l’extérieur et mesurer par les grandes lignes. Or, grâce à ce progrès historique qui remplace aujourd’hui l’admiration par la curiosité, peu s’en faut que l’histoire des conquêtes, des traités, des sièges, des monuments, de la politique, du cortège incomparable de Louis XIV, ne soit sacrifiée au journal de son médecin ; peu s’en faut que l’épisode de la fistule ne soit préféré à Versailles et aux Invalides, au passage du Rhin et aux campagnes de Turenne, à l’agrandissement de la France et à l’abaissement des Pyrénées, aux fortifications de Vauban et aux oraisons funèbres de Bossuet : n’insistons pas : M. Michelet vous dira le reste.

Mais, parce qu’il y a là un excès humiliant pour l’esprit français, doit-on retomber dans l’excès contraire ? Parce qu’il y a des gens plus préoccupés du nombre des médecines prises que des places assiégées, faut-il revenir au Louis XIV de cérémonial et d’apparat, équestre, héroïque, épique, olympien, flamboyant, demi-dieu dont on glorifie les faiblesses et les fautes comme s’il s’agissait des amours de Jupiter avec Alcmène ou Sémélé ? Nous