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micaschiste et le poudingue ; sur la cyanite et le lépidolithe ; sur l’hæmatite et la trémolite ; sur l’antimoine et la calcédoine ; sur le manganèse et sur tout ce qu’il vous plaira.

Il y avait moi. Je parlai de moi, — de moi, de moi, et de moi ; — de nosologie, de ma brochure et de moi. Je dressai mon nez, et je parlai de moi.

« Heureux homme ! homme miraculeux ! dit le prince.

— Superbe ! dirent les convives. Et, le matin qui suivit, Sa Grâce de Dieu-me-Bénisse me fit une visite.

— Viendrez-vous à Almack, mignonne créature ? dit-elle en me donnant une petite tape sous le menton.

— Oui, sur mon honneur ! dis-je.

— Avec tout votre nez, sans exception ? demanda-t-elle.

— Aussi vrai que je vis, répliquai-je.

— Voici donc une carte d’invitation, bel ange. Dirai-je que vous viendrez ?

— Chère duchesse, de tout mon cœur !

— Qui vous parle de votre cœur ! — mais avec votre nez, avec tout votre nez, n’est-ce pas ?

— Pas un brin de moins, mon amour, dis-je. » Je le tortillai donc une ou deux fois, et je me rendis à Almack. Les salons étaient pleins à étouffer.

« Il arrive ! dit quelqu’un sur l’escalier.

— Il arrive ! dit un autre un peu plus haut.

— Il arrive ! dit un autre encore un peu plus haut.

— Il est arrivé ! s’écria la duchesse ; il est arrivé, le petit amour ! »

Et, s’emparant fortement de moi avec ses deux mains, elle me baisa trois fois sur le nez.

Une sensation marquée parcourut immédiatement l’assemblée.

« Diavolo ! cria le comte de Capricornutti.

Dios guarda ! murmura don Stiletto.