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— Monsieur, dis-je, c’est la science des nez[1].

— Et pouvez-vous me dire, demanda-t-il, quel est le sens du mot nez ?

— Un nez, mon père, répliquai-je en baissant le ton, — a été défini diversement par un millier d’auteurs. (Ici, je tirai ma montre.) Il est maintenant midi, ou peu s’en faut, — nous avons donc le temps, d’ici à minuit, de les passer tous en revue. Je commence donc : — Le nez, suivant Bartholinus, est cette protubérance, cette bosse, cette excroissance, cette…

— Cela va bien, Robert, interrompit le bon vieux gentleman. Je suis foudroyé par l’immensité de vos connaissances, — positivement je le suis, — oui, sur mon âme ! (Ici, il ferma les yeux et posa la main sur son cœur.) Approchez ! (Puis il me prit par le bras.) Votre éducation peut être considérée maintenant comme achevée, — il est grandement temps que vous vous poussiez dans le monde, — et vous n’avez rien de mieux à faire que de suivre simplement votre nez. — Ainsi — ainsi… (alors, il me conduisit à coups de pied tout le long des escaliers jusqu’à la porte), ainsi sortez de chez moi, et que Dieu vous assiste ! »

Comme je sentais en moi l’afflatus divin, je considérai cet accident presque comme un bonheur. Je jugeai que l’avis paternel était bon. Je résolus de suivre mon nez. Je le tirai tout d’abord deux ou trois fois, et j’écrivis incontinent une brochure sur la nosologie.

Tout Fum-Fudge fut sens dessus dessous.

« Étonnant génie ! dit le Quarterly.

— Admirable physiologiste ! dit le Westminster.

— Habile gaillard ! dit le Foreign.

— Bel écrivain ! dit l’Edinburgh.

— Profond penseur ! dit le Dublin.

  1. Nose, nez. — Naseaulogie, nosologie. — C. B.