Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

hôte, le château-margaux, qu’il attendait depuis le matin, ne fut annoncé que fort tard, lorsque nous avions déjà fait honneur au somptueux souper du vieux Charly. Le vin arriva enfin, au moment où on y songeait le moins. C’était un fameux vin, je vous en réponds. La société fut très-réjouie de l’arrivée de ce renfort de bouteilles ; on décida à l’unanimité que la bienheureuse caisse serait hissée à l’instant même sur la table et qu’on en déballerait sans retard le précieux contenu.

On se mit immédiatement à l’œuvre. Je donnai un coup de main, et, en un clin d’œil, la caisse fut placée sur la table, au milieu des bouteilles et des verres, dont un grand nombre furent brisés dans ce remue-ménage. Le vieux Charly, déjà à moitié ivre et le visage enluminé, se leva d’un air plein de dignité et, frappant sur la table avec une carafe, réclama le silence pendant la cérémonie, c’est-à-dire « pendant qu’on déterrerait le nectar. »

Peu à peu le tumulte s’apaisa, et ainsi qu’il arrive souvent en pareil cas, il s’ensuivit un silence profond. M. Bonenfant m’ayant prié d’enlever le couvercle, je me conformai à son désir avec le plus grand plaisir du monde. Je fis usage d’un ciseau auquel je donnai quelques légers coups de marteau. Le haut de la caisse sauta brusquement, comme mû par un ressort, et l’on vit se dresser sur