Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

seule bouchée chez lui, ce dernier allait deux ou trois fois par jour s’informer de la santé de son ami. Il restait fort souvent à déjeuner ou à goûter et presque toujours à dîner. Il serait difficile de préciser la quantité de vin que les deux convives ingurgitaient en une seule séance. Le vieux Charly avait un faible pour le château-margaux, et cela réjouissait le cœur de l’hôte de voir la façon dont son invité absorbait cette excellente boisson. Aussi, un certain soir, lorsqu’ils eurent expédié à eux deux pas mal de bouteilles, Shuttleworthy s’écria en frappant familièrement l’épaule de son camarade :

« Sais-tu, mon vieux Charly, que tu es sans aucun doute le plus aimable compagnon que j’aie rencontré de ma vie ? Tiens, puisque tu lèves si bien le coude, je veux te faire cadeau d’une caisse de château-margaux. Nom d’un petit bonhomme !… (il avait la mauvaise habitude de jurer ; mais il n’allait jamais plus loin que sac à papier ! ou nom d’une pipe !)… je vais écrire cette après-midi même à mes fournisseurs et leur donner l’ordre de t’expédier de la ville une double caisse du meilleur vin qu’ils pourront trouver et je t’en ferai cadeau. Pas un mot ! J’y suis bien décidé, te dis-je ; c’est entendu, tu recevras mon présent un de ces beaux jours, au moment où tu t’y attendras le moins. »