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avec la plupart des dames du bord ; et à mon grand étonnement, je remarquai qu’elle était toujours prête à faire la coquette avec les hommes. Elle nous amusait beaucoup. Je dis qu’elle nous amusait et je ne sais trop comment m’expliquer. Le fait est que je découvris bientôt que si elle faisait rire, c’était presque toujours à ses dépens.

Les hommes ne parlaient guère d’elle ; mais les dames ne tardèrent pas à déclarer que c’était une bonne femme, pas jolie du tout, sans éducation aucune et très-commune. On se demandait comment Wyatt avait pu se laisser aveugler au point de contracter un pareil mariage, et l’on cherchait à résoudre la question par la supposition d’une grande dot. Mais je savais que cette solution n’en était pas une ; car le peintre m’avait affirmé que sa femme ne lui apportait pas un dollar et n’avait rien à espérer de qui que ce fût.

« Je l’ai épousée par amour, rien que par amour, m’avait-il dit, et elle est plus que digne de la tendresse qu’elle m’inspire. »

J’avoue qu’en songeant aux paroles de mon ami, je me sentis vivement intrigué. Wyatt était-il donc en train de perdre la raison ? Je ne pus guère arriver à une autre conclusion. Lui, si délicat, si spirituel, si difficile, doué d’un sens si fin lorsqu’il s’agissait de découvrir un défaut ; d’un sentiment