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véla un soir, à l’heure du crépuscule, non loin de la rivière du Silence. Elle souffrait de penser qu’après l’avoir enterrée dans la Vallée-aux-Herbes-Multicolores, je quitterais pour toujours cette heureuse retraite pour reporter sur une fiancée du monde externe et banal l’amour passionné qu’elle m’inspirait en ce moment. Aussitôt, je me jetai à ses pieds, et je jurai devant elle et devant Dieu que jamais je ne m’unirais dans les liens du mariage avec aucune fille de la terre, qu’en aucune façon je ne serais infidèle à son cher souvenir, ni au souvenir de la sainte affection qui avait fait mon bonheur. Et je pris le tout-puissant Maître de l’univers à témoin de la pieuse solennité de mon serment. Et j’invitai le Seigneur et celle qui allait devenir une sainte dans l’Empyrée, si jamais je manquais à ma promesse, — à me faire sentir le poids d’une malédiction trop terrible pour que j’ose la rapporter ici.

Les yeux brillants d’Éléonore devinrent plus brillants encore lorsqu’elle eut entendu mes paroles, et elle soupira comme si l’on eût débarrassé sa poitrine d’un poids mortel ; elle trembla et pleura amèrement. Mais ce n’était qu’une enfant et elle accepta ma promesse, qui lui rendit paisible son lit de mort. Et elle me dit quelques jours plus tard, tandis que la vie lui échappait douce-