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entrevoient comme des éclairs de l’éternité et ils tressaillent, au réveil, de voir qu’ils ont été sur le point de découvrir le grand secret. Par échappées, ils saisissent quelques notions de la science du bien et s’instruisent plus encore dans la science moins rare du mal. Ils pénètrent, bien que sans gouvernail et sans compas, dans le vaste océan de la « lumière ineffable ; » puis, comme le géographe nubien, « ils s’aventurent sur une mer de ténèbres pour en explorer les mystères[1]. »

Nous dirons donc que je suis fou. J’admets du moins qu’il y a deux conditions distinctes dans mon existence mentale : un état de raison lucide, qu’on ne saurait nier, — se rattachant à la mémoire des faits qui représentent la première période de ma vie — et un état d’ombres et de doutes, qui appartient au présent et aux souvenirs de la seconde grande époque de mon individualité. Donc, tout ce que je vous raconterai de la première période, vous devez le croire. Quant à ce que je vous dirai de la seconde, je ne vous demande de confiance qu’autant que mon récit paraîtra en mériter. Il vous est même permis de douter de ma bonne foi ;

  1. Agressi sunt mare tenebrarum, quid in eo esset exploraturi.