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jour qu’il s’en revenait de la chasse avec le comte, il lui jeta dans le cœur les germes du soupçon.

« Que vous êtes heureux, noble comte ! lui dit-il traîtreusement : le doute rongeur ne trouble pas votre paisible sommeil ; car vous possédez une vertueuse femme dont la pudeur augmente les charmes. Nul séducteur ne parviendrait à ébranler une telle vertu.

— Que me dis-tu là ? répondit le comte avec un regard sombre. Puis-je me fier à la vertu de la femme mobile comme l’onde ? Elle attire facilement les paroles flatteuses. Ma confiance repose sur une base plus ferme, et le séducteur, je l’espère, n’oserait s’approcher de la femme du comte de Saverne.

— Vous avez raison, reprend Robert, et il ne faut que rire de l’insensé valet qui ose élever ses vœux téméraires jusqu’à la noble dame à laquelle il doit obéir. — Quoi ! s’écria le comte, parles-tu de celui qui est là ?

— Oui sans doute. Mon maître ignore ce dont chacun parle, et puisque vous ne savez rien, je voudrais me taire. — Tu es mort, si tu n’achèves, dit le comte d’une voix terrible. Qui oserait lever les yeux sur Cunégonde ? — Je veux parler du petit blond.