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péril, sur les vagues tumultueuses, es apparue aux navigateurs pour les sauver ! donne à celui que j’aime, ton voile sacré, ton voile d’un tissu mystérieux, qui l’emportera sain et sauf hors du précipice des flots. »

Les vents furieux s’apaisent, les chevaux d’Éos montent à l’horizon, la mer reprend sa sérénité, l’air est doux, l’onde est riante : elle tombe mollement sur les rocs du rivage et y apporte, comme en se jouant, un cadavre.

Oui, c’est lui qui est mort et qui n’a pas manqué à son serment. La jeune fille le reconnaît : elle n’exhale pas une plainte, elle ne verse pas une larme ; elle reste froide et immobile dans son désespoir, puis élève les yeux vers le ciel, et une noble rougeur colore son pâle visage.

« Ah ! c’est vous, terribles Divinités : vous exercez cruellement vos droits, vous êtes inflexibles, le cours de ma vie est achevé bien promptement. Mais j’ai connu le bonheur et mon destin fut doux ; je me suis consacrée à ton temple comme une de tes prêtresses, je t’offre gaiement, par ma mort, un nouveau sacrifice, Vénus, grande reine. »

Et, du haut de la tour, elle se précipite dans les flots. Le Dieu des mers s’empare du corps de la jeune fille, et, content de sa proie, il continue joyeusement à répandre les ondes de son urne inépuisable.