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niquer aux miens et qu’ils soient heureux. »

Entre l’année 1776 où cette prière fut vraisemblablement composée, et l’année 1778 où Schiller écrivit les Brigands, une révolution radicale s’opéra dans son esprit. Après avoir été si vivement ému, et, l’on pourrait dire, absorbé par le sentiment religieux, il se sentit peu à peu attiré, entraîné par toutes sortes de réflexions et d’idées diverses.

Bientôt il éprouva cette inquiétude, cette agitation d’une âme jeune, sincère, passionnée, qui ayant perdu son premier point d’appui en cherche aventureusement un autre, s’afflige de ce qui lui manque, et s’irrite de ne point trouver ce qui trompe ses ardents désirs. Il a lui-même dépeint d’une façon touchante cette situation douloureuse, dans un roman qu’il écrivait alors sous le titre de : Lettres de Jules à Raphaël. « Heureux temps, dit-il dans une de ces lettres, jours célestes, où, les yeux fermés, je suivais encore avec ivresse le cours de la vie. Je m’abandonnais à mes sensations et j’étais heureux ; Raphaël m’a appris à penser, et je suis prêt à pleurer sur cette découverte. Tu m’as enlevé la foi qui me donnait le calme. Tu m’as enseigné à mépriser ce que je vénérais. Tant d’idées étaient pour moi sacrées,