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Les campagnes sont tristes et muettes, nulle Divinité ne s’offre à mon regard. De ces images si belles et si vives l’ombre seule nous est restée.

Au souffle mélancolique du Nord toutes ces fleurs sont tombées ; ce monde divin s’est écroulé pour en enrichir un autre. J’interroge avec tristesse les astres, Sélène, je ne trouve plus ; je m’adresse aux vagues, aux forêts, et ne répète qu’un vain son.

Dépouillée de sa divinité, ignorante de la joie qu’elle donne, la nature n’éprouve point le ravissement de sa splendeur. Elle ne sent pas l’esprit qui la dirige, elle ne se réjouit pas de ma joie ; insensible même à l’honneur de son action, elle ressemble au pendule qui suit servilement les lois de la pesanteur.

Pour se renouveler demain, elle s’ouvre aujourd’hui son propre tombeau, et la lune s’efface, reparaît sans cesse dans son cours uniforme. Les Dieux sont retournés dans la terre des poëtes, inutiles désormais à un monde qui, rejetant ses lisières, se soutient par son propre poids.

Ils sont partis, emportant avec eux le beau, le grand, toutes les couleurs, tous les tons ; il ne nous est resté que la lettre morte. Échappés au déluge du temps, ils se sont réfugiés sur les hauteurs du Pinde : ce qui doit être immortel dans la poésie doit périr dans la vie.