Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

ses têtes partaient des regards enflammés ; de chacune sortaient des voix confuses, un incroyable mélange des sons les plus divers. C’était tantôt le langage que comprennent les dieux, tantôt les rugissements d’un taureau indompté, les rugissements d’un lion farouche, les cris plaintifs de jeunes chiens. Quelquefois il poussait des sifflements dont retentissaient les hautes montagnes. Sans doute qu’en ce jour une inévitable révolution se fût accomplie, et que ce monstre eût régné sur les mortels et sur les immortels, sans l’active prévoyance du père des hommes et des dieux. Il fait gronder son tonnerre, et à ce bruit formidable répondent aussitôt la terre, le ciel, la mer, les flots de l’Océan, les profondeurs du Tartare. Sous les pieds immortels de Zeus tressaille le grand Olympe, tandis que se lève son roi ; la terre gémit ; la mer azurée s’échauffe tout entière aux feux dont s’arment les deux combattants, ceux de la foudre et des éclairs, ceux que vomit le monstre ; tout bouillonne, et la terre, et le ciel, et la mer ; sur ses rivages bondissent avec furie les flots soulevés par l’approche des deux divinités ; un long ébranlement agite la nature. Hadès lui-même frémit d’effroi au sein de l’empire des ombres ; les Titans tremblent au fond du Tartare, autour de Cronos, lorsqu’ils entendent l’horrible tumulte du combat. Zeus a rassemblé ses forces ; il a saisi ses armes, son tonnerre, ses éclairs, ses brillants carreaux ; il s’élance et frappe du haut de l’Olympe. Toutes les têtes du monstre s’embrasent ; lui-même il tombe sous les coups pressés du dieu, tout mutilé, et la Terre immense en gémit. Des torrents de flamme s’échappaient de ce corps consumé par la foudre et précipité par elle au fond d’une obscure et sauvage vallée ; tout au-