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sénat s'assembla, et envoya des députés à Marius et à Cinna, pour les prier d'entrer dans la ville, et d'épargner les citoyens. Cinna, en qualité de consul, leur donna audience sur son tribunal, et leur répondit avec beaucoup d'humanité. Marius, debout derrière son siège, gardait le silence ; mais son air sévère et ses regards farouches ne faisaient que trop connaître qu'il allait bientôt remplir la ville de sang. Après l'audience, ils prirent tous deux le chemin de Rome. Cinna y entra entouré de ses gardes ; Marius, s'arrêtant à la porte, dit, avec une ironie que lui inspirait la colère, que les lois l'avaient banni de sa patrie, et lui en défendaient l'entrée ; que si sa présence y était nécessaire, il fallait casser par une nouvelle loi celle qui l'avait banni : comme s'il eût été un religieux observateur des lois, et qu'il fût entré dans une ville libre. Il fit donc assembler le peuple sur la place ; mais trois ou quatre tribus n'avaient pas encore donné leur suffrage, que, levant le masque, et laissant cette vaine formalité de son prétendu rappel, il entra dans la ville avec ses satellites, choisis, entre tous les esclaves qui avaient pris parti pour lui, et à qui il avait donné le nom de Bardiéens. À une seule parole, à un seul signe de Marius, ils tuaient indistinctement tous ceux qu'il leur désignait : un sénateur,