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il se présenta pour se défendre. Ses ennemis, déconcertés à leur tour par sa hardiesse, et craignant que le peuple, par le besoin qu’il avait de lui, ne montrât de la faiblesse dans le jugement, eurent recours à la ruse. Ils engagèrent quelques orateurs, qui, sans être ouvertement déclarés contre Alcibiade, ne le haïssaient pas moins que ses plus mortels ennemis, à dire dans l’assemblée du peuple qu’il ne serait pas convenable qu’un général qu’on venait de mettre à la tête d’une si grande armée avec un pouvoir absolu, et qui avait déjà rassemblé ses troupes et celles des alliés, perdît un temps précieux pendant qu’on lui choisirait des juges au sort, et qu’on mesurerait l’eau pour régler la longueur des Procédures. « Qu’il parte donc, ajoutaient-ils, avec l’espoir du succès ; et quand la guerre sera terminée, qu’il se présente pour être jugé selon les lois. » Alcibiade, qui ne se méprit pas sur le but perfide de cette demande, représenta au peuple assemblé qu’il serait trop injuste de le faire partir pour une expédition si importante, lorsqu’il laissait derrière lui des accusations calomnieuses qui le tiendraient dans une agitation continuelle ; que, s’il ne pouvait se justifier, il méritait la mort ; mais que, s’il était innocent, il devait aller