Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 11.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

ton père ? — C’est précisément, répondit Cassandre, ce qui prouve leur calomnie ; ils se sont éloignés de ceux qui pourraient les convaincre de fausseté. — Voilà, reprit Alexandre en éclatant de rire, voilà de ces sophismes d’Aristote, qui prouvent le pour et le contre ; mais vous n’en serez pas moins punis, si vous êtes convaincus d’avoir commis la moindre injustice. » Ces menaces causèrent tant de frayeur à Cassandre et la lui imprimèrent si fortement dans l’esprit, que longtemps après, lorsqu’il était déjà roi de Macédoine et maître de la Grèce, un jour qu’il se promenait à Delphes et qu’il examinait les statues, ayant aperçu tout-à-coup celle d’Alexandre, il en fut tellement saisi, qu’il frissonna de tout le corps, et qu’il ne se remit qu’avec peine de l’étourdissement que cette vue lui avait causé.

XCVII. Depuis qu’Alexandre s’était abandonné à la superstition, il avait l’esprit si troublé, si plein de frayeur, que les choses en soi les plus indifférentes, pour peu qu’elles lui parussent extraordinaires et étranges, il les regardait comme des signes et des prodiges. Son palais était rempli de gens qui faisaient des sacrifices, des expiations ou des prophéties : tant il est vrai que si la défiance et le mépris de la divinité sont des sentiments bien criminels, une