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Aristote n’eut donc pas tort de dire que Callisthène avait un grand talent pour la parole, mais qu’il manquait de jugement : cependant son refus persévérant, et digne d’un vrai philosophe, de rendre au roi l’adoration qu’il exigeait, son courage à dire publiquement ce que les plus vieux et les plus sensés des Macédoniens pensaient en secret avec indignation, épargnèrent aux Grecs une grande honte, et à Alexandre lui-même une plus grande encore, en l’éloignant de se faire rendre un pareil hommage ; mais Callisthène se perdit, parce qu’il eut l’air de forcer le roi plutôt que de le persuader.

LXXIV. Charès de Mitylène raconte que, dans un festin, Alexandre, après avoir bu, présenta la coupe à un de ses amis ; que celui-ci l’ayant prise se leva, se tourna vers les dieux domestiques, but la coupe, et, après avoir donné un baiser au prince, se remit à table. Tous les autres convives firent successivement la même cérémonie. Callisthène, ayant pris la coupe à son tour, pendant qu’Alexandre s’entretenait avec Éphestion et ne prenait pas garde à lui, vida la coupe, et alla, comme les autres, pour donner un baiser au roi. Mais Démétrius, surnommé Phidon, ayant dit à Alexandre : « Seigneur, ne le baisez point, car il est le seul qui ne vous ait pas adoré ; » le roi détourna