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d’eux à la tête de leurs légions ; et les deux armées se mirent en bataille dans des lieux sacrés, appelés, l’un le bocage d’Arsia, et l’autre le pré Esuvien. Le combat était à peine engagé, qu’Aruns, fils de Tarquin, et le consul Brutus, se rencontrèrent, non par hasard, mais conduits par la haine et par le ressentiment : l’un cherchait le tyran et l’ennemi de sa patrie, l’autre voulait se venger de son exil. Ils poussèrent leurs chevaux l’un contre l’autre avec plus de fureur que de précaution, et, ne songeant pas même à se couvrir, ils se percèrent l’un l’autre, et restèrent tous deux sur la place. Ce prélude du combat n’eut pas une suite moins sanglante ; le carnage devint horrible dans les deux armées, qui ne furent séparées que par un violent orage. Valérius était dans une grande inquiétude ; il ne savait à qui la victoire était restée ; il voyait ses soldats aussi étonnés de leurs propres pertes que satisfaits de celles des ennemis, tant le nombre des morts paraissait égal de part et d’autre et laissait le succès incertain ! Seulement chaque parti, bien assuré de ce qu’il avait perdu, et ne connaissant que par conjecture la perte de l’ennemi, se croyait plutôt vaincu que victorieux. La nuit survint ; et il est aisé d’imaginer dans quel état ils la passèrent après un combat si terrible. Le silence régnait dans les deux camps,