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eut bientôt connu son caractère, vit aisément où il tendait ; et, sans rompre avec lui, il essaya de l’adoucir, de le ramener par ses avis. Il lui disait souvent à lui-même et aux autres que, si l’on pouvait déraciner de son âme cette ambition démesurée, cette soif de dominer dont il était dévoré, il n’y aurait pas dans Athènes de meilleur citoyen, ni d’homme plus fait pour la vertu.

Dans ce temps-là, Thespis commencait à donner une forme différente à la tragédie29, et la nouveauté du spectacle attirait tous les Athéniens. On n’avait pas encore établi des concours pour disputer le prix de la poésie. Solon, naturellement curieux de s’instruire, qui dans sa vieillesse se livrait davantage aux plaisirs et recherchait surtout la bonne chère et la musique, alla entendre Thespis, qui, suivant l’usage des anciens poètes, jouait lui-même ses pièces. Après le spectacle, il appela ce poète, et lui demanda s’il n’avait pas honte de mentir si publiquement. Thespis lui répondit qu’il n’y avait point de mal à dire et à faire de ces mensonges par manière de jeu. « Oui, reprit Solon en frappant avec force la terre de son bâton ; mais si nous souffrons, si nous approuvons un pareil jeu, nous le retrouverons bientôt jusque dans nos contrats. »

30. Cependant Pisistrate, après s’être blessé lui-même,