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SOLON.


Cela prouve qu’avant même d’avoir publié ses lois il jouissait d’une grande considération. Au reste, il rapporte lui-même dans ses poésies les railleries qu’on faisait de lui pour avoir refusé la puissance souveraine :

Que Solon a manqué d’esprit et de prudence !
Les dieux lui présentaient la suprême grandeur ;
De la plus belle proie il avait l’assurance ;
Pour tirer le filet il a manqué de cœur.
Il n’en faut plus douter, sa folie est extrême :
Maître de posséder les plus riches trésors,
N’eût-il dû qu’un seul jour, portant le diadème,
Être écorché tout vif, voir tous ses parens morts,
Et pour toujours enfin sa race exterminée,
Devait-il rejeter sa haute destinée ?


Voilà comment il fait parler sur son compte les gens du peuple et les méchans.

XIX. Mais le refus qu’il avait fait de régner ne le rendit pas plus lâche ni plus mou dans l’administration des affaires. Il ne céda rien par faiblesse aux citoyens puissans, et ne chercha pas dans ses lois à flatter ceux qui l’avaient élu. Il conserva tout ce qui lui parut supportable ; il ne voulut pas trancher dans le vif et appliquer mal à propos des remèdes violens, de peur qu’après avoir changé et bouleversé toute la ville, il n’eût pas assez de force pour la rétablir et lui donner une meilleure forme de gouvernement. Il ne se permit que les changemens qu’il crut pouvoir faire adopter par persuasion, ou recevoir d’autorité, en unissant,