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et Méléagre, généraux d’Alexandre le Grand, faisaient transporter de ce sable avec les autres provisions militaires ; mais je n’en dirai pas161 davantage là-dessus, non plus que sur ces préparations de cire et de terre que notre jeunesse emploie dans ses exercices, se fortifiant le corps, mais perdant la vigueur de l’âme.

XLVIII

(XIV.)
1
Hé quoi ! n’y a-t-il pas en Afrique et en Espagne des murailles de terre, dites murailles de forme, parce qu’on les jette en moule entre deux parois, plutôt qu’on ne les construit ? Elles durent pendant des siècles, inattaquables à la pluie, au vent, au feu, et plus solides que tous les ciments. L’Espagne voit encore les guérites d’Hannibal et les tours de terre (II, 73) placées sur le sommet des montagnes. Les glacis qu’on emploie pour fortifier les camps, et162 les digues qu’on oppose à l’impétuosité des fleuves, sont aussi de cette matière. Qui ne sait que des parois en bois sont crépies en argile, et que des murs sont construits en brique crue ?

XLIX

1 Les briques doivent être tirées non d’un sol sablonneux ou graveleux, encore moins d’un sol pierreux, mais d’un sol crayeux et blanc, ou contenant de la rubrique. Si l’on emploie une terre sablonneuse, au moins faut-il que ce soit du gravier mâle (XXXI, 28). Le printemps est la meilleure saison pour les façonner ; elle se fendent, si on les travaille au solstice d’été. On ne les emploie dans les édifices que vieilles de deux ans ; et même la matière dont on les fait doit avoir macéré avant d’être mise en œuvre. Il y a trois genres de brique : la lydienne, que nous employons, longue d’un pied et demi, large d’un pied163 ; le tétradoron et le pentadoron. 2 Les anciens Grecs appelaient doron ce que nous appelons palme ; et par suite ils appelaient doron aussi un don, parce que c’est la main (palma) qui le donne. Ainsi ces briques ont quatre et cinq palmes, d’après leur nom même. La largeur est la même. Les Grecs emploient la brique plus petite dans les constructions privées ; la brique plus grande, dans les constructions publiques. À Pitane en Asie, et à Maxilla et Caleutum, villes de l’Espagne ultérieure164, on fait des briques qui, desséchées, flottent sur l’eau : la matière en est une pierre ponce, excellente quand on peut la pétrir. 3 Les Grecs ont préféré les murailles de brique partout où ils n’ont pas trouvé du silex à employer. En effet, les murailles de brique durent éternellement, quand elles sont bien d’aplomb. Aussi165 avec les briques ont-ils construit des édifices publics et des palais pour les rois : à Athènes, le mur qui regarde le mont Hymette ; à Patras, les temples de Jupiter et d’Hercule, entourés cependant de colonnes de pierre avec des architraves ; à Tralles, le palais d’Attale ; à Sardes, celui de Crésus, dont on a fait la Gérusie ; à Halicarnasse, celui de Mausole, édifices qui subsistent encore. 4 Maræus et Varron, dans leur édilité, firent scier à Lacédémone une belle fresque peinte sur une muraille de brique ; on la renferma dans des cadres de bois, et on la transporta à Rome pour orner les comices. La fresque, admirable par elle-même, fut encore plus admirée à cause du transport. En Italie aussi il y a des murs de brique, à Arretium et à Mévanie. À Rome on ne fait point de constructions de ce genre, parce qu’un mur d’un pied et demi ne porterait pas plus d’un étage ; or, il est défendu qu’un mur mitoyen ait plus d’épaisseur, les règles de la mitoyenneté ne le permettant pas.