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sont servis, quand nous avons parlé de ces25 couleurs à propos des métaux (XXXII, 39) ; on donne le nom de monochrome à ce genre de peinture26. Nous dirons plus bas, en énumérant les artistes, quels ensuite ont fait des inventions, quelles ont été ces inventions, et à quelles époques27, le plan de notre ouvrage exigeant que nous traitions d’abord de la nature des couleurs. Enfin, l’art sortit de son chaos ; il inventa la lumière et les ombres, et par cette différence les couleurs se firent ressortir l’une l’autre. Puis28 on ajouta l’éclat, lequel est autre que la lumière. On nomma ce qui est entre l’éclat ou la lumière et les ombres29, ton (clair-obscur) ; et la réunion des couleurs dans leur passage de l’une à l’autre, harmogè.

XII

VI.
1
Les couleurs sont ou sombres ou vives ; elles le sont ou par leur nature ou par leur mélange. Les couleurs vives, fournies au peintre par le maître, sont le minium, l’arménium, le cinabre, la chrysocolie, l’indigo, le purpurissum. Les autres couleurs sont foncées. De quelque espèce qu’elles soient, les unes sont naturelles, les autres artificielles : la sinopis, la rubrique, le parætonium, le mélinum, l’érétrie, l’orpiment, sont naturels ; les autres sont artificielles, d’abord celles dont nous avons parlé à propos des métaux, puis, parmi les couleurs communes, l’ocre, la céruse brûlée, la sandaraque, la sandyx, le syricum, l’atramentum.

XIII

1 La sinopis a d’abord été trouvée dans le royaume du Pont : le nom30 qu’elle porte lui vient de la ville de Sinopo. Il y en a aussi en Égypte, dans les îles Baléares, en Afrique ; mais la meilleure est dans l’île de Lemnos dans la Cappadoce ; on l’extrait de cavernes ; on préfère celle qui adhère au roc. L’intérieur de la masse est de la couleur de la sinopis ; le dehors est tacheté. ; les anciens s’en servaient pour l’éclat (XXXV, 11). Il y a trois espèces de sinopis : la rouge, la rouge-pâle, et l’intermédiaire. Le prix de la meilleure est de trois deniers (2 fr. 46) la livre. On s’en sert, soit pour peindre au pinceau, soit pour colorer le bois. Celle qui vient d’Afrique se vend huit as (40 cent.) la livre ; on la 2 nomme cicerculum. La plus rouge de toutes s’emploie avec avantage pour les buffets ; celle qui est d’une couleur plus foncée et tout à fait sombre se vend aussi huit as : elle sert pour les bases des buffets. En médecine, la sinopis est adoucissante ; elle entre facilement dans les emplâtres et les cataplasmes, soit sèche, soit liquide. On l’emploie contre les ulcères placés dans les lieux humides, tels que la bouche, le siége. En lavement, elle arrête le flux de ventre. Bue à la dose d’un denier, elle arrête les pertes ; brûlée et appliquée, dans du vin surtout, elle guérit les granulations des paupières.

XIV

1 Quelques-uns ont prétendu que la sinopis n’était qu’une rubrique de seconde qualité : ils ont en effet regardé comme rubrique de première qualité la terre de Lemnos ; celle-ci approche beaucoup du minium, et elle a été très-vantée chez les anciens, ainsi que l’île qui la produit ; on ne la vendait que cachetée, ce qui la fit appeler sphragis. On l’emploie en couche sous le vermillon, et à le falsifier. En médecine on en fait grand cas. En liniment autour des yeux, elle adoucit les fluxions et les douleurs de ces organes ; elle empêche le flux de l’égilops31 ; on l’administre à l’intérieur, dans du vinaigre, contre l’hémoptysie ; on la fait boire aussi pour les affections de