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LIVRE XXVI.


le premier par l’ignorance des médecins qui pratiquèrent des incisions, le second s’étant fait lui-même une plaie au pouce gauche avec une aiguille, plaie si petite qu’on pouvait à peine l’apercevoir. Le charbon naît dans les parties les plus cachées du corps, et communément sous la langue. 2Il prend la forme d’un bouton dur et rouge, mais dont le sommet est noirâtre, d’autres fois livide. Il y a tension, sans enflure toutefois, sans douleur, sans démangeaison, sans autre symptôme qu’un assoupissement qui accable le malade et l’emporte en trois jours. Quelquefois il s’y joint du frisson, de petites pustules autour du charbon, et rarement de la fièvre. Quand il a gagné la gorge et le pharynx il tue très-promptement.

V.

1 Nous avons dit (XX, 52) que l’éléphantiasis (3) n’avait pas paru en Italie avant le temps de Pompée le Grand. Cette maladie commence, elle aussi, d’ordinaire par la face. Il se forme d’abord au nez une sorte de petite lentille ; puis la peau devient aride par tout le corps, marquée de taches de diverses couleurs, et inégale, ici épaisse, là mince, ailleurs dure et couverte d’aspérités galeuses ; à la fin elle prend une teinte noire, et presse les chairs sur les os ; les doigts se tuméfient aux pieds et aux mains. Ce mal est particulier à l’Égypte ; et il était funeste au peuple quand il attaquait les rois, parce qu’on leur faisait alors, pour les guérir, des bains où entrait le sang humain. Au reste, cette maladie s’est promptement éteinte en Italie, ainsi que celle qu’on nommait anciennement gemursa (4). Celle-ci se logeait entre les orteils ; aujourd’hui le nom même en est oublié.

VI.

1Une chose singulière, c’est de voir chez nous certaines maladies disparaître, d’autres se maintenir, comme, par exemple, le colum (5). Cette affection s’introduisit en Italie sous l’empire de Tibère, qui en fut attaqué des premiers ; et ce fut une grande perplexité à Rome lorsque, dans un édit où ce prince s’excusait sur sa mauvaise santé, on lut le nom alors inconnu de cette affection. À quelle cause attribuer tant de maux ? ou quel est ce courroux des dieux ? Était-ce donc peu pour l’homme d’être exposé à des maladies déterminées qui montaient à plus de trois cents, s’il n’en avait encore à craindre de nouvelles ? Au reste, les tourments que les hommes se créent à eux-mêmes ne sont pas moins nombreux. 2Les remèdes que nous rapportons étaient ceux que l’antiquité employait, la nature faisant, pour ainsi dire, tous les frais de la médecine ; et longtemps il n’y en eut pas d’autres. (II.) Toujours est-il qu’Hippocrate, qui le premier a formulé avec une admirable clarté les préceptes médicaux, a rempli ses ouvrages de notions sur les plantes ; en quoi il a été suivi par Dioclès de Caryste, le premier après lui pour l’époque et la réputation ; puis par Praxagore et Chrysippe, et enfin par Érasistrate (XXIX, 3). Hérophile (XXIX, 5) lui-même, quoique fondateur d’une secte trop subtile, a recommandé avant tout cette méthode. Mais peu à peu l’expérience, qui est le meilleur maître en toutes choses, et particulièrement en médecine, se perdit en paroles (6) et en vain verbiage. En effet, il était plus agréable d’être assis dans les écoles et d’entendre à son aise le professeur, que d’aller dans les déserts chercher telle ou telle plante en telle ou telle saison de l’année.

VII.

1(III.) Cependant l’ancienne méthode se maintenait, sans être ébranlée ; et il lui restait l’autorité imposante d’un témoignage unanime,