Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/685

Cette page n’a pas encore été corrigée

HE. Ah ! c’est vous que je cherchais précisément : bonjour, Déméa.

DE. Qu’y a-t-il ?

HE. Votre fils aîné, Eschine, celui que votre frère a adopté, (465) s’est conduit comme il ne convient pas à un honnête homme, à un homme bien né.

DE. Que voulez-vous dire ?

HE. Vous avez connu notre ami, notre contemporain Simulus ?

DE. Si je l’ai connu ?

HE. Il a déshonoré sa fille.

DE. Oh !

HE. Attendez ; vous ne savez pas encore, Déméa, ce qu’il y a de plus grave.

DE. Comment ! quelque chose de plus grave encore ?

HE. (470) Oui vraiment ; car ceci est jusqu’à un certain point excusable : la nuit, l’amour, le vin, la jeunesse…. Vous concevez ? On est homme. Mais quand il vit ce qu’il avait fait, il vint de lui-même trouver la mère, pleurant, priant, conjurant, promettant, jurant d’épouser. (475) On lui pardonne, on se tait, on compte sur lui. Cependant la fille se trouve grosse ; voici le dixième mois ; et cet honnête homme va nous chercher une chanteuse, pour vivre avec elle, les dieux me pardonnent ! et il abandonne l’autre.

DE. Etes-vous bien sûr de ce que vous dites ?

HE. (480) Les témoins sont là, la mère, la fille, la grossesse, Géta que voici, qui pour un esclave n’est ni un sot ni un fripon. C’est lui qui les nourrit, qui soutient seul toute la famille. Emmenez-le, liez-le, faites-lui dire la vérité.

GE. Faites mieux encore, mettez-moi à la torture, Déméa, si la chose n’est pas comme on vous le dit. (485) Enfin il n’osera le nier ; qu’on me confronte avec lui.

DE. Je suis tout honteux ; je ne sais que faire ni que répondre.

PA. (à l’intérieur) Ah ! que je souffre ! quelles douleurs ! Junon Lucine, à mon secours ! Aie pitié de moi, je t’en conjure !

HE. Quoi, Géta, serait-ce elle qui accouche ?

GE. Sans doute, Hégion.

HE. (490) Eh ! bien, Déméa, c’est votre protection qu’elle implore en ce moment ; accordez-lui de bonne grâce ce que la loi peut vous imposer. Au nom des dieux, que tout se passe d’une manière digne de vous ; sinon, je vous le déclare, Déméa, je la défendrai de tout mon pouvoir, elle et la mémoire de son père. (495) Il était mon parent ; nous avons été élevés ensemble dès le berceau ; ensemble nous avons fait la guerre et quitté le service ; ensemble nous avons souffert les rigueurs de la pauvreté. Aussi je ferai tout, j’agirai, je plaiderai, je perdrai plutôt la vie que de les abandonner. (500) Eh bien ! votre réponse ?

DE. Je vais trouver mon frère, Hégion ; et le conseil qu’il me donnera à ce sujet, je le suivrai.

HE. Mais, Déméa, tâchez de ne pas oublier que plus vous êtes riches, puissants, heureux et connus, (505) plus vous êtes tenus de vous montrer impartiaux et justes, si vous voulez passer pour gens de bien.

DE. Revenez bientôt : on fera tout ce qu’il convient de faire.

HE. Vous vous le devez à vous-même. Géta, mène-moi chez ta maîtresse. (ils sortent)

DE. Je l’avais bien prédit tout ce qui arrive là. Encore si nous étions au bout ! (510) Mais donner tant de liberté à un jeune homme ! nécessairement il finira mal. Allons trouver mon frère, et lui décharger ce que j’ai sur le cœur.