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SY. Ho ! ho !

DE. Il est tout plein de ces préceptes-là, Syrus.

SY. Ha ! ha ! il est à bonne école.

DE. Je fais de mon mieux. (415) Je ne lui passe rien, je le dresse ; je veux qu’il se mire dans la conduite des autres comme dans un miroir, et que leur exemple lui serve de leçon. « Faites ceci, » lui dis-je.

SY. Fort bien.

DE. « Évitez cela. »

SY. Parfait.

DE. « Ceci est bien. »

SY. Voilà le point.

DE. « Cela est mal. »

SY. (420) A merveille.

DE. Ensuite…

SY. Quel dommage que je n’aie pas le temps de vous entendre ! Mais j’ai trouvé des poissons comme je les voulais ; il faut que je prenne garde de les laisser gâter. Car c’est pour nous un aussi grand crime que pour vous autres, Déméa, de ne pas faire tout ce que vous venez de dire ; et je donne (425) autant que possible à mes camarades les mêmes leçons : « Ceci est trop salé ; voilà qui sent le brûlé ; cela n’a pas bonne mine ; bon ceci, souvenez-vous en une autre fois. » Je les instruis de mon mieux, selon ma petite capacité. En un mot, je veux qu’ils se mirent dans leurs plats comme dans un miroir, Déméa, (430) pour apprendre ce qu’ils ont à faire. Tout ce que nous faisons ici est ridicule, je le sens ; mais qu’y faire ? Il faut servir les gens à leur goût. Vous n’avez plus rien à me dire ?

DE. Que vous retrouviez le sens commun.

SY. Vous allez de ce pas à votre campagne ?

DE. Tout droit.

SY. Aussi bien, que feriez-vous ici ? (435) Si vous donnez un bon conseil, personne ne vous écoute. (Il sort)

DE. Oui certes, je m’en vais, puisque celui que je venais chercher est parti ; je ne m’occupe que de lui : celui-là me regarde. Puisque mon frère le veut ainsi, l’autre, c’est son affaire. Mais quel est cet homme que j’aperçois là-bas ? N’est-ce pas Hégion, (440) de notre tribu ? Si j’y vois clair, c’est lui même, ma foi. Un vieil ami d’enfance ! Bons dieux, comme les gens de son espèce deviennent rares à présent ! C’est un homme de la vieille roche. En voilà un qui ne troublera pas de sitôt la république. (445) Que je suis heureux, quand je vois qu’il reste des débris de cette race d’autrefois ! Ah ! l’on a encore du plaisir à vivre. Je vais l’attendre ici, pour le saluer et causer un peu avec lui.

SCENE IV (Hégion, Géta, Déméa, Pamphile, cette dernière hors de la scène)

HE. Grands dieux ! mais c’est indigne, Géta ! Que me dis-tu ?

GE. La pure vérité.

HE. (450) Une telle bassesse dans une famille comme celle-là ? O Eschine, ce ne sont pas là les leçons que vous avez reçues de votre père.

DE. (à part) Il sans doute entendu parler de cette chanteuse ; cela le fâche, lui, un étranger ! et le père ne s’en inquiète pas. Ah ! que je voudrais qu’il fût là, quelque part, et qu’il pût entendre !

HE. (455) S’ils ne font pas ce qu’ils doivent, ils n’auront pas si bon marché de nous.

GE. Vous êtes tout notre espoir, Hégion. Nous n’avons que vous ; vous êtes notre protecteur, notre père ; c’est à vous que Simulus nous a recommandés en mourant. Si vous nous abandonnez, nous sommes perdus.

HE. Garde-toi bien de le penser. (460) Je ne le ferai pas, et je ne saurais le faire en conscience.

DE. (à part) Abordons-le. (haut) Bonjour, Hégion.