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bienfaits remplit ses devoirs de bon cœur ; il s’étudie à vous plaire ; devant vous ou seul, il sera toujours le même. C’est à un père d’accoutumer son fils (75) à bien faire de son propre mouvement plutôt que par un sentiment de crainte ; c’est là ce qui fait la différence entre le père et le maître. Celui qui ne sait pas en user ainsi doit reconnaître qu’il est incapable d’élever des enfants. —-Mais n’est-ce pas notre homme que j’aperçois ? Oui vraiment, c’est lui. Il a l’air bien soucieux, je ne sais pourquoi. (80) Il va gronder sans doute, comme à son ordinaire.

SCENE II (Déméa, Micion)

MI. Vous allez bien, Déméa ? j’en suis ravi.

DE. Ah ! vous voici fort à propos, je vous cherchais.

MI. Pourquoi cet air soucieux ?

DE. Quoi ! vous qui vous êtes chargé de notre Eschine, vous me demandez pourquoi j’ai l’air soucieux ?

MI. (à part) Ne l’avais-je pas dit ? (haut) (85) Qu’a-t-il donc fait ?

DE. Ce qu’il a fait ? un drôle qui n’a honte de rien, qui ne craint personne, qui se croit au-dessus de toutes les lois. Je ne parle pas du passé ; mais il vient encore de nous en faire de belles !

MI. Qu’y-a t-il ?

DE. Il a enfoncé une porte et pénétré de vive force (90) dans une maison ; il a battu, laissé pour mort le maître du logis et tous ses gens ; et cela pour enlever une femme dont il était amoureux. Tout le monde crie que c’est une indignité. Quand je suis arrivé, c’était à qui me saluerait de cette nouvelle, Micion. Il n’est bruit que de cela dans la ville. (95) S’il lui faut un exemple, n’a-t-il pas celui de son frère, qui est tout entier à ses affaires, qui vit à la campagne avec économie et sobriété ? Qu’on me cite de celui-là un trait semblable. Et ce que je dis d’Eschine, mon frère, c’est à vous que je l’adresse. C’est vous qui le laissez se débaucher.

MI. Je ne sache rien de plus injuste qu’un homme sans expérience, (100) qui ne trouve bien que ce qu’il fait.

DE. Que voulez-vous dire ?

MI. Que vous jugez mal de tout ceci, mon frère ! Ce n’est pas un si grand crime à un jeune homme, croyez-le bien, que avoir des maîtresses, de boire, d’enfoncer des portes. Si nous n’en avons pas fait autant vous et moi, (105) c’est que nos moyens ne nous le permettaient pas. Et aujourd’hui vous voulez vous faire un mérite d’avoir été sage malgré vous. Ce n’est pas juste ; car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres. Et si vous étiez un homme raisonnable, vous laisseriez le vôtre s’amuser tandis qu’il est jeune, (110) plutôt que de le réduire à désirer }e moment où il vous aura porté en terre, pour se livrer à des plaisirs qui ne seront plus de son âge.

DE. Par Jupiter ! l’homme raisonnable, vous me faites devenir fou. Comment ! ce n’est pas un si grand crime à un jeune homme de faire ce qu’il a fait ?

MI. Ah ! écoutez-moi, afin de ne plus me rompre la tête à ce propos. (115) Vous m’avez donné votre fils ; il est devenu le mien par adoption. S’il fait des sottises, mon frère, tant pis pour moi ; c’est moi qui en porterai la peine. Il fait bonne chère ? Il boit ? Il se parfume ? C’est à mes frais. Il a des maîtresses ? Je lui donnerai de l’argent, tant que je le pourrai ; (120) et quand je ne le pourrai plus, peut-être le mettront-elles à la porte. Il a enfoncé une porte ? on la fera rétablir. Déchiré des habits ? on les raccommodera. J’ai, grâce aux dieux, de quoi suffire à ces dépenses, et jusqu’à présent elles ne m’ont pas gêné. Pour en finir, laissez-moi tranquille, ou prenons tel