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NOTICES

tanéité et de naturel : le souci de la forme paraît dominer toute autre préoccupation. Veut-on, plus justement, la considérer, avec Ritter, comme une lettre ouverte qui, par delà le destinataire avoué, s’adresse au grand public, on comprend moins les développements de la 7e lettre où le récit des voyages en Sicile est repris de façon identique, mais avec quelques détails plus circonstanciés. Platon aurait donc, à deux époques très rapprochées, à peine à quelques mois de distance, répété la même apologie, en deux rédactions identiques pour le fond des choses, à l’intention de lecteurs qui peuvent avoir en mains les deux documents. Ajoutons que, dans ce cas, on s’expliquerait mieux que la relation complète, et par conséquent plus claire, eût été publiée en premier lieu, c’est-à-dire dans la 3e lettre, — et le résumé de faits déjà connus, dans l’écrit plus tardif.

Au reste, une simple lecture de l’épître donne l’impression qu’on est en présence d’une œuvre de rhéteur qui a pris pour modèle la 7e lettre et, à l’aide des Dialogues, a essayé d’enjoliver ses tableaux.

Déjà, le préambule qui s’amuse à distinguer les formules de salutation ressemble fort aux exercices d’école. Est-il vraiment naturel, au début d’un plaidoyer où l’on a autre chose à faire que d’ergoter sur des nuances de pensées, de se demander si Platon saluera Denys par le terme χαίρειν où par l’expression εὖ πράττειν ? Le tyran choisira, mais la première formule ne convient ni à Dieu qui est par delà le plaisir ou la peine, ni à l’homme, à cause des effets funestes de ces deux sentiments. Ceci rappelle les distinctions socratiques rapportées par Xénophon entre l’εὐπραξία et l’εὐτυχία, la première seule convenant à l’homme[1]. Mais surtout, l’imitation d’un passage de Charmide (164 d) est manifeste : « Je définirai volontiers la sagesse la connaissance de soi-même, dit Socrate, d’accord avec l’auteur de l’inscription de Delphes. Cette inscription, en effet, me semble être la parole de bienvenue que le dieu adresse aux arrivants, à la place du salut ordinaire « réjouis-toi », trouvant sans doute cette dernière formule déplacée et jugeant que nous devons nous inviter les uns les autres, non à nous réjouir, mais à être sages. » La 36e lettre socratique joue également sur les mêmes mots sans

  1. Mémorables, III, 9, 14.